Patrimoine remarquable : Un palais républicain

Environ 250 couples franchissent chaque année la porte de la salle des mariages de l’Hôtel de Ville. Actuellement en travaux de sauvegarde, cette salle emprunte, tout comme l’ensemble du bâtiment, aux styles divers de l’histoire de l’art tout en illustrant l’idéal moral et civique républicain cher à la IIIe République.

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Salle des mariages de l'hôtel de ville

IDENTITÉ GÉOGRAPHIQUE…


Architecture, mobilier et décor sont issus d’un Moyen-Âge et d’une Renaissance remis au goût du jour par Viollet-le-Duc : hauts plafonds peints à caissons où sont inscrits les noms de gloires locales, cheminée et lustres monumentaux, vitraux, tentures cramoisies, mobilier sculpté au cuir décoré de griffons…
La décoration picturale a été confiée à Francis Malleval, peintre valentinois, qui a généreusement recouvert les murs de VDD (Valence Drôme Dauphiné), inscrivant le bâtiment dans une identité géographique. Cette même appartenance est célébrée dans les deux vases de Sèvres dits « des vendanges. » Offerts par l’État, à la demande du député Maurice Faure qui en a surveillé l’exécution, ils représentent notamment le fleuve Rhône et la rivière Drôme.

… ET IDÉAL MORAL RÉPUBLICAIN

Les deux peintures sur toile encadrant la cheminée, réalisées en 1898 par Louis Ollier, participent à l’exaltation de l’idéal moral républicain. Le Printemps de la vie et Cortège nuptial glorifient l’amour heureux sous forme de diptyque : les fiançailles et le mariage. Louis Ollier, artiste valentinois, peut être classé parmi les peintres dits « pompiers ».
Il offre une vision sublimée et symboliste d’un Moyen-Âge merveilleux : un fiancé en armure, une fiancée vestale, des ménestrels/troubadours chantres de l’amour courtois… On y retrouve la colombe, symbole de l’innocence, la pureté, la paix ou le chien, qui incarne la fidélité. Les toiles sont ancrées localement : on y devine les ruines du château de Crussol, on y reconnait le chevet de l’église Saint-Jean et le clocher de la cathédrale Saint-Apollinaire. La cheminée, d’inspiration néo-gothique, est ornée des armoiries et devise de la Ville (De bec et d’ongles) et d’une mosaïque représentant un paon, l’un des attributs de la déesse Junon, protectrice du mariage. Dessinée par Louis Ollier, cette mosaïque a été réalisée par
les ateliers Guilbert-Martin, l’un des principaux protagonistes du renouveau de la mosaïque en France.
À ce sujet, le Journal de Valence (septembre 1894) relève cette remarque dans le cahier de doléances de la nouvelle Maison commune : « La devise de la Ville : qu’elle est donc aimable, engageante, et d’un heureux augure pour la paix des ménages ! » 

La salle des mariages concentre de nombreux symboles la reliant à la IIIe République

ANECDOTE 1894

En 1889, l’architecte-voyer de la Ville, Marius Villard, tire la sonnette d’alarme, qualifiant la « Maison de Ville » de « tache pour la cité » en passe de devenir « un véritable danger pour la sécurité
publique. » Un concours d’architectes est lancé. Parmi les 77 projets reçus, c’est celui de deux architectes parisiens, Paul Bischoff et Henri Bertsch-Proust, baptisé Alea jacta est, qui est retenu.
Le premier coup de pioche est donné le 8 juin 1890.
Les travaux sont suspendus le 2 juin 1892 par la municipalité tout juste élue qui songe, alors même que le sous-sol est déjà construit, à transférer le projet rue Cartelet. Une semaine plus tard cependant, les travaux reprennent et s’achèvent le 3 février 1894.
L’Hôtel de Ville est inauguré le 16 décembre 1894. La cérémonie, présidée par les élus opposés au projet, fut « tiède et intime ». Les officiels font une halte devant le buste de Maurice Clerc, maire à l’origine du projet de construction, décédé trois ans plus tôt. À 17 h, l’Hôtel de Ville, « resplendissant de lumières, fut envahi par une foule énorme qui paya un juste tribut d’admiration aux magnificences de la Maison commune. » (Journal de Valence, 18 décembre 1894).